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L’importance des mesures de précision de la luminosité

Les expériences CMS et ATLAS ont toutes deux réalisé des mesures de la luminosité extrêmement précises

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CMS Central Beam pipe installation
La région d’interaction de l’expérience CMS avant l’installation du nouveau tube de faisceau. (Image: CERN)

Les expériences ATLAS et CMS auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC) ont réalisé des mesures de la luminosité extrêmement précises. Une récente note d’information de physique de CMS vient compléter les résultats obtenus précédemment par ATLAS et démontre, qu’en combinant plusieurs méthodes, les deux expériences ont atteint une précision inférieure à 2 %. Pour les analyses de physique – notamment la recherche de nouvelles particules ou de processus rares, ou encore la mesure des propriétés de particules connues – il est non seulement important que la luminosité des accélérateurs soit élevée, mais aussi que les scientifiques la comprennent avec la plus grande précision possible.

La luminosité est l’un des paramètres fondamentaux permettant de mesurer la performance d’un accélérateur. Dans le LHC, les faisceaux de protons qui circulent ne sont pas des faisceaux continus ; ils sont regroupés en ensembles de protons (aussi appelés « paquets ») comprenant environ 100 milliards de protons. Ces paquets entrent en collision avec d’autres paquets à raison de 40 millions de fois par seconde aux points d’interaction situés au sein des détecteurs de particules. Mais lorsque deux de ces paquets passent l’un à travers l’autre, seuls quelques protons de chaque paquet interagissent avec les protons circulant en sens inverse. La luminosité est une mesure du nombre de ces interactions, les deux principaux types de luminosité étant la luminosité instantanée, qui mesure le nombre de collisions se produisant dans une unité de temps (par exemple chaque seconde), et la luminosité intégrée, qui mesure le nombre total de collisions produites sur une période de temps.

La luminosité intégrée est généralement exprimée en « femtobarns inverses » (fb-1). Un femtobarn est une unité de section efficace, permettant d’exprimer la probabilité qu’un processus se produise dans une interaction de particules. Prenons un exemple : la section efficace totale de la production de bosons de Higgs dans les collisions proton-proton à 13 TeV auprès du LHC est de l’ordre de 6 000 fb. Cela signifie que chaque fois que le LHC fournit 1 fb-1 de luminosité intégrée – 6 000 fb x 1 fb-1 – 6 000 bosons de Higgs sont produits.

Connaître la luminosité intégrée permet aux scientifiques de comparer les observations avec les prédictions théoriques et les simulations. Ils peuvent, par exemple, rechercher les particules de matière noire qui n’entrent pas en collision, et ne se donc pas détectées, en examinant l’énergie et l’impulsion de toutes les particules produites lors d’une collision. Si un déséquilibre est observé, il pourrait provenir d’une particule non détectée, potentiellement de matière noire, porteuse d’énergie. Cette méthode est efficace pour rechercher une grande partie des nouveaux phénomènes, mais elle doit prendre en compte de nombreux éléments, tels que les neutrinos produits lors des collisions. Les neutrinos s’échappent également sans être détectés et laissent un déséquilibre énergétique ; il est donc, en principe, impossible de les distinguer des nouveaux phénomènes. Pour savoir si quelque chose d’inattendu s’est produit, les scientifiques doivent en fait s’intéresser aux valeurs.

Si 11 000 événements présentent un déséquilibre énergétique et que les simulations prévoient 10 000 événements comportant des neutrinos, cela peut être significatif. Toutefois, si les physiciens ne mesurent la luminosité qu’avec une précision de 10 %, il est parfaitement possible qu’il y ait eu 11 000 événements contenant des neutrinos, mais seulement 10 % de collisions de plus que prévu. Déterminer la luminosité avec précision est par conséquent essentiel.

Il est à noter que certains types d’analyses dépendent bien moins de la connaissance absolue du nombre de collisions ; par exemple, la mesure des rapports de différentes désintégrations de particules permet de lever des incertitudes sur la luminosité, comme la mesure récemment effectuée par LHCb (en anglais). D’autres études sur de nouvelles particules recherchent des pics au niveau de la distribution des masses (en anglais) et s’appuient donc davantage sur la forme de la distribution observée que sur le nombre absolu d’événements. Mais il sera dans ce cas également indispensable de connaître précisément la luminosité pour pouvoir interpréter les résultats.

En définitive, plus la mesure de la luminosité est précise, plus les scientifiques peuvent comprendre ce qu’ils observent et explorer ce qui se trouve au-delà de nos connaissances actuelles.