Les rayons cosmiques ne cessent de déconcerter les scientifiques. La dernière analyse des données collectées par le Spectromètre magnétique alpha (AMS) , le détecteur installé à bord de la Station spatiale internationale, ont révélé, à la surprise générale, un surplus de rayons cosmiques composés de deutérons, des noyaux atomiques comptant un proton et un neutron.
Rapportée dans un article paru dans Physical Review Letters, cette découverte vient s’ajouter à la liste grandissante des résultats surprenants obtenus par le détecteur spatial. Assemblé au CERN, AMS a détecté plus de 238 milliards de rayons cosmiques, composés de diverses particules, depuis le début de sa période d’acquisition de données, en 2011.
Les rayons cosmiques de particules se divisent en deux catégories, les rayons primaires et les rayons secondaires. Les rayons cosmiques primaires sont émis par des sources cosmiques, comme les supernovas, tandis que les rayons cosmiques secondaires résultent de l’interaction entre des rayons cosmiques primaires et le milieu interstellaire.
Pour mener sa dernière étude, la collaboration AMS a épluché les données des 21 millions de deutérons cosmiques détectés par AMS entre mai 2011 et avril 2021. En étudiant la variation du nombre, ou « flux », de deutérons en fonction de leur rigidité, c’est à dire de l’impulsion des particules divisée par leur charge électrique, l’équipe d’AMS a fait des découvertes surprenantes.
Les deutérons seraient censés se former de la même manière que les noyaux d’hélium-3, lors de collisions entre des noyaux d’hélium-4 primaires et d’autres noyaux du milieu interstellaire. Si tel était le cas, le rapport entre le flux de deutérons et de noyaux d’hélium-4 devrait être le même que le rapport entre le flux de noyaux d’hélium-3 et celui de noyaux d’hélium-4.
Ce n’est pas ce qu’AMS a détecté. Les données collectées par AMS montrent qu’au-delà d’une rigidité de 4,5 gigavolts (GV), ces rapports divergent, le rapport deutérons sur hélium-4 diminuant moins vite que le rapport hélium-3 sur hélium-4 à mesure que la rigidité augmente. En outre, et contre toute attente, au-delà d’une rigidité de 13 GV, les données montrent que le flux de deutérons devient quasiment identique à celui des protons, qui forment des rayons cosmiques primaires.
Pour simplifier, le détecteur AMS a observé plus de deutérons que prévu issus de collisions entre de l’hélium-4 primaire et le milieu interstellaire.
« La mesure des deutérons est rendue difficile par l’important bruit de fond des protons cosmiques, explique Samuel Ting, porte-parole de la collaboration AMS. Ces résultats inattendus ne font que confirmer notre méconnaissance des rayons cosmiques. La future amélioration d’AMS doit multiplier par trois l’acceptance du détecteur, lui permettant de mesurer tous les rayons cosmiques chargés avec une précision d’un pourcent, afin d’offrir un socle expérimental pour l’élaboration d’une théorie cohérente des rayons cosmiques. »
Plus d’informations sur ce sujet, sur les autres découvertes de la collaboration AMS ainsi que sur le projet d’amélioration du détecteur dans cet article.