En 2011, le détecteur AMS (Spectromètre magnétique alpha) était arrimé à la Station spatiale internationale (ISS). Depuis, le détecteur a enregistré plus de 200 milliards d’événements issus de rayons cosmiques. Si la plupart des sources de ces événements sont connues, certaines signatures dans les données pourraient indiquer la présence de matière noire. La dernière mise à niveau du détecteur permettra d'explorer cette piste.
AMS reçoit les particules de rayons cosmiques qui atteignent la Terre en provenance du Soleil ou de sources lointaines telles que des étoiles qui explosent en supernovas, ou des trous noirs. La plupart des rayons cosmiques détectés par AMS sont des protons, mais le détecteur est aussi atteint par des noyaux lourds tels que fer ou silicium. Une signature est toutefois particulièrement intrigante : AMS a détecté un flux inhabituellement élevé de positons, partenaires des électrons dans l'antimatière. Les positons et autres particules d'antimatière sont rares dans l'Univers et ne devraient donc pas être observés en aussi grand nombre dans les données recueillies par AMS. Leur origine n'est pas encore confirmée ; ils pourraient provenir de pulsars (restes d'étoiles qui ont une vitesse de rotation élevée et qui émettent des signaux réguliers), d'une source astrophysique encore inconnue ou de la matière noire. Le flux de positons observé concorde très bien avec les modèles de matière noire. Pour pouvoir étudier ce phénomène avec plus de précision, la collaboration AMS est en train de rénover le détecteur.
La principale amélioration consistera en l'ajout au détecteur d'une nouvelle couche comportant un plus grand nombre de rubans de silicium : on augmentera ainsi de 300 % l'acceptance des particules incidentes. « D'ici à 2030, AMS élargira la gamme d'énergie du flux de positons et réduira l'erreur d'un facteur deux par rapport aux données actuelles », explique Sam Ting (MIT), porte-parole d'AMS. Le détecteur pourra ainsi étudier plus en détail la signature du positon.
L'ajout de trois nouvelles surfaces radiantes constitue une autre amélioration importante. AMS étant exposé directement à la lumière du Soleil, il est peint en blanc, ce qui lui permet de réfléchir la chaleur pour conserver une température à laquelle il peut fonctionner. Après 13 années passées dans un environnement difficile, la peinture s'est dégradée ; pour compenser, ces nouvelles surfaces radiantes permettront de préserver une température appropriée.
Actuellement, tous les éléments faisant partie de l'amélioration du détecteur, y compris l'électronique et le matériel, sont construits sous la forme d'unités pour « validation » et « qualification ». Si ces unités sont qualifiées par les tests effectués au CERN, à l'INFN Pérouse et à l'IABG en Allemagne, un modèle final « vol » entrera en production. Les astronautes s'entraînent déjà sur Terre avec les prototypes dans des environnements similaires à ceux de l'espace. En 2026, lorsque la mise à niveau sera lancée, les astronautes installeront les nouveaux éléments sur AMS lors de sorties dans l'espace. « Tout va très, très vite , souligne Corrado Gargiulo, ingénieur au CERN. Nous n'avons pas le choix ; si nous arrivons trop tard, la mise à niveau n'aura plus d'intérêt. » En effet, la mission a désormais une date de fin. La NASA a programmé la mise hors orbite de l'ISS pour 2030 ; en attendant, AMS pourra enregistre un grand nombre d'événements issus de rayons cosmiques afin d'étudier la signature des positons.
Maquette de détecteur pour la prochaine mise à niveau d'AMS, qui sera sera installée lors d'une prochaine sortie dans l'espace. Une autre partie de la mise à niveau concerne l'ajout d'une surface radiante protégeant le système de distribution électrique, pour rétablir une performance thermique optimale pour AMS. (Image: Chetna Krishna/ CERN)