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CMS observe la production de taus à partir de photons lors de collisions proton-proton

Grâce aux excellentes capacités en trajectographie du détecteur CMS, la collaboration a pu observer deux photons produisant deux leptons taus dans des collisions proton-proton. Cette méthode constitue un nouveau moyen de rechercher de la nouvelle physique

Recreated candidate event of a γγ →ττ process in proton–proton collisions measured by the CMS detector. The tau can decay into a muon (red), charged pions (yellow) and neutrinos (not visible); energy deposits in the electromagnetic calorimeter in green and in the hadronic calorimeter in cyan. Credit: CMS collaboration.

Représentation d’un événement candidat d’un processus γγ →ττ dans les collisions proton-proton mesurées par le détecteur CMS. Le tau peut se désintégrer en un muon (en rouge), en pions chargés (en jaune) et en neutrinos (non visibles) ; les dépôts d’énergie dans le calorimètre électromagnétique sont en vert et dans le calorimètre hadronique en cyan. Crédit : Collaboration CMS

La collaboration CMS a annoncé avoir observé deux photons produisant deux taus lors de collisions proton-proton. C’est la première fois que ce phénomène a pu être observé lors de collisions proton-proton ; l’observation a été rendue possible grâce aux capacités exceptionnelles en matière de trajectographie du détecteur CMS. Le résultat constitue également la mesure la plus précise du moment magnétique anomal du tau, et il génère un nouveau moyen de poser des limites à l’existence d’une nouvelle physique.

Le tau, appelé parfois tauon, est une particule singulière de la famille des leptons. Les leptons, ainsi que les quarks, sont des constituants de la « matière » du Modèle standard. C’est seulement à la fin des années 1970 que le tau a été découvert au Laboratoire de Stanford (SLAC) ; le neutrino qui lui est associé – le neutrino du tau – découvert en 2000 par la collaboration DONUT, au Fermilab, est venu compléter le tableau des particules, pour ce qui concerne la matière tangible. Rechercher des taus est un processus plutôt délicat, étant donné que la durée de vie de ce lepton est très courte ; en effet, il n’est stable que pendant 290·10-15 s (soit un dixième de millionième de millionième de seconde).

Les deux autres leptons chargés, l’électron et le muon, sont déjà bien connus. On connaît bien également leurs moments magnétiques et les moments magnétiques anomaux associés. Le moment magnétique peut être décrit comme la force et l’orientation du champ magnétique d’un barreau aimanté imaginaire qui se trouverait à l’intérieur d’une particule. Cette quantité mesurable doit toutefois être corrigée au niveau quantique, en raison des particules virtuelles qui font dévier le moment magnétique de la valeur prédite. La correction quantique, ou moment magnétique anomal, est de l’ordre de 0,1 %. Si les résultats théoriques et expérimentaux ne concordent pas, alors ce moment magnétique anomal, al ouvre la porte à la physique au-delà du Modèle standard.

Le moment magnétique anomal de l’électron est l’une des quantités connues avec le plus de précision en physique des particules, et est en parfaite adéquation avec le Modèle standard. En revanche, son homologue muonique reste, aujourd’hui encore, un domaine à explorer. Bien que la théorie et les expériences aient jusqu’à présent concordé la plupart du temps, des résultats récents révèlent une tension qui nécessite un examen plus approfondi.

Pour le tau, cependant, rien n’est joué. Il est particulièrement difficile de mesurer son moment magnétique anomal, aτ, en raison de sa courte durée de vie. Les premières tentatives de mesure, après la découverte du tau, se sont soldées par une incertitude 30 fois supérieure à la taille des corrections quantiques. Les travaux expérimentaux menés au CERN avec les détecteurs LEP et LHC ont permis d’améliorer les limites, en réduisant les incertitudes à 20 fois la taille des corrections quantiques.

Lors des collisions, les chercheurs guettent un phénomène particulier : deux photons interagissant pour produire deux leptons tau, également appelés paire di-tau, qui se désintègrent ensuite en muons, en électrons, ou en pions chargés, et en neutrinos. Pour l’instant, ATLAS et CMS ont observé ce phénomène uniquement dans des collisions plomb-plomb ultrapériphériques. Aujourd’hui, CMS rapporte avoir observé pour la première fois ce même phénomène lors de collisions proton-proton. Ces collisions sont plus sensibles à la physique au-delà du Modèle standard, les effets d’une nouvelle physique augmentant avec l’énergie de la collision. Grâce aux capacités exceptionnelles en matière de trajectographie du détecteur CMS, la collaboration a pu isoler ce processus particulier en sélectionnant des événements durant lesquels les taus sont produits sans laisser d’autres traces sur des distances aussi faibles que 1 mm. « Cette détection des collisions proton-proton ultrapériphériques, qui constitue une prouesse, ouvre la voie à de nombreuses autres mesures révolutionnaires dans le détecteur CMS », a déclaré Michael Pitt, de l’équipe responsable des analyses de CMS.

Cette nouvelle méthode, que la collaboration CMS a testé immédiatement, offre un nouveau moyen de contraindre le moment magnétique anomal du tau. Sachant que la signification statistique va s’améliorer avec les données des prochaines périodes d’exploitation, la nouvelle mesure fixe déjà des limites d’un niveau et d’une précision inédits. Ainsi, l’incertitude issue des prédictions équivaut à seulement trois fois la valeur des corrections quantiques. « C’est vraiment formidable de pouvoir enfin préciser certaines des propriétés fondamentales de l’insaisissable lepton tau », a souligné Izaak Neutelings, de l’équipe responsable des analyses de CMS. « Cette analyse propose une nouvelle approche pour sonder tau g-2 et redynamise des mesures qui n’ont pas bougé depuis plus de deux décennies », ajoute Xuelong Qin, un autre membre de l’équipe.
 

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