C'est au cours d'un stage comme étudiant d'été que Javier Serrano a pour la première fois fait l'expérience de la culture ouverte et collaborative du CERN. Depuis qu'il est devenu titulaire du CERN en 1998, il a contribué à cette culture en participant à la mise en place du répertoire de matériel libre (OHWR) et de la licence sur le matériel libre (OHL), qui favorisent le partage des conceptions de matériels.

À la tête de la section Matériel et synchronisation du groupe Contrôles du département Faisceaux (BE-CO), Javier coordonne une équipe de développeurs de matériels et de logiciels de bas niveaux pour le contrôle des accélérateurs. « Parmi nos développeurs, nombreux sont ceux qui ont, par le passé, développé le noyau Linux en recourant au hacking. Dans notre discipline, le terme “hackeur” n'est pas péjoratif. Il désigne une personne qui a la capacité de résoudre des problèmes, qui est habituée à collaborer, à partager et à apprendre. J'ai voulu transposer cette culture à nos développements de matériels », explique-t-il. Le travail de Javier a abouti à la création du répertoire de matériel libre (OHWR), qui permet de partager des conceptions de matériels de manière ouverte et libre.

Toutefois, même une science « ouverte » doit être encadrée par des règles. Ainsi, Javier a fait appel à Myriam Ayass, conseillère juridique du groupe Transfert de connaissances du CERN, pour l’établissement du cadre juridique de la licence OHL. Cette licence donne le droit aux utilisateurs de se servir librement des éléments de conception de matériels, sous certaines conditions, telles que l'obligation de faire part des modifications à la communauté.

White Rabbit est un exemple phare d'une conception qui a tiré profit à la fois du répertoire de matériel libre et de la licence sur le matériel libre. Il s'agit d'une technologie qui fournit des systèmes de contrôle et d'acquisition de données et qui assure un niveau de précision à la nanoseconde et une précision de synchronisation en picosecondes. Dès le début, une stratégie de code source ouvert a été intégrée dans la conception de cette technologie. Javier remarque : « Nous avons inventé White Rabbit parce que nous avions besoin d'un nouveau système de synchronisation dans les accélérateurs. Mais on s'est aussi demandé si l'on pouvait inventer des systèmes distribués en temps réel qui pourraient être utilisés en dehors du CERN. Finalement, on a abouti à un résultat très différent pour White Rabbit. »

White Rabbit a reçu de précieux retours de sa large communauté d'utilisateurs, notamment grâce au projet Large High-Altitude Air Shower Observation (LHAASO) au Tibet, qui étudie les rayons gamma et cosmiques. « Ils ont observé des effets sur les éléments de matériels que l'on n'avait jamais repérés auparavant, tels que des variations des délais dans les fibres en fonction de la température. Ils ont remédié à ce problème et partagé leur solution avec la communauté. Ce modèle de développement ouvert a fonctionné pour les logiciels, mais n'avait encore jamais été appliqué pour le matériel informatique. Avoir essayé quelque chose de nouveau et prouvé que cela fonctionne est l'une des choses dont je suis le plus fier. »

Le répertoire de matériel libre et la licence sur le matériel libre ont également été employés afin de partager les technologies utilisées dans la lutte contre le COVID-19, telles que le respirateur « Open Breath Lung Ventilator » et les modèles de masques imprimés en 3D du CERN. Les expériences positives de Javier ont changé sa façon d'aborder de nouveaux projets. « Les possibilités de partage sont nombreuses, si vous savez faire preuve d'un peu de souplesse », conclut-il.

Les activités de transfert de connaissances du CERN : un monde à découvrir.