Le 28 juin, la collaboration LHCb a annoncé avoir observé avec les données du Grand collisionneur de hadrons (LHC) trois nouvelles particules « exotiques », et confirmé l’existence d’une quatrième. Ces particules semblent être formées de quatre quarks (les constituants fondamentaux de la matière présents dans tous les atomes de l’Univers) : deux quarks et deux antiquarks (soit un tétraquark). En raison de leur composition en quarks non standard, les nouvelles particules observées ont été classées dans la vaste catégorie des particules « exotiques », même si leur interprétation théorique exacte est toujours à l’étude.
Le modèle des quarks, proposé en 1964 par Murray Gell-Mann et George Zweig, est le système de classification des hadrons (toutes les particules composites) le mieux établi à ce jour ; il fait partie du Modèle standard de la physique des particules. Dans ce modèle, les hadrons sont classés en fonction de leur composition en quarks. Toutefois, le fait que tous les hadrons observés jusque-là soient formés, soit d’une paire quark-antiquark (mésons), soit de trois quarks (baryons) seulement, restait inexpliqué. Au cours de la dernière décennie, plusieurs collaborations ont trouvé des indices de l’existence de particules formées de plus de trois quarks. Par exemple, en 2009, la collaboration CDF a découvert l’une d’entre elles, appelée X(4140), le nombre entre parenthèses correspondant à la masse reconstruite de la particule en mégaélectronvolts (MeV). Ce résultat a ensuite été confirmé par une nouvelle analyse de CDF, puis par les collaborations CMS et D0.
Néanmoins, jusqu’à présent, les nombres quantiques de la particule X(4140) – nombres caractérisant les propriétés d’une particule donnée – n’étaient pas tous connus. Grâce à la collaboration LHCb, les nombres quantiques de la particule X(4140) ont pu être déterminés avec une grande précision, ce qui a permis de mieux définir les interprétations théoriques possibles, et d’exclure certaines des théories qui étaient proposées précédemment sur la nature de la particule.
« Les études menées sont très rigoureuses, souligne Guy Wilkinson, porte-parole de la collaboration LHCb, et exigent une modélisation sophistiquée de tous les processus susceptibles de contribuer à ce qui est observé dans le détecteur, mais nos analystes sont hautement qualifiés dans l’utilisation de ces techniques. »
Alors que la particule X(4140) avait déjà été observée, c’est la première fois que l’on annonce l’observation des trois nouvelles particules exotiques, aux masses plus élevées, appelées (4274), X(4500) et X(4700). Si les quatre particules ont toutes la même composition en quarks, elles ont chacune une structure interne et une masse particulières, et leurs propres ensembles de nombres quantiques.
Ces résultats reposent sur une analyse approfondie de la désintégration d’un méson B+ en mésons appelés J/ψ, φ et K+, les nouvelles particules apparaissant comme des particules intermédiaires se désintégrant en une paire de mésons J/ψ et φ. Pour mener ces recherches, les physiciens de LHCb ont utilisé un ensemble complet de données recueillies durant la première période d’exploitation du LHC, de 2010 à 2012. Grâce au grand nombre de signaux enregistrés efficacement par le détecteur LHCb, les scientifiques de l’expérience ont pu découvrir ces trois nouvelles particules, qui forment littéralement une pointe (voir l’image) dans les données.
« L’ensemble de données de la première période d’exploitation nous a permis de découvrir ces nouvelles particules, poursuit Guy Wilkinson. Grâce à l’échantillon beaucoup plus grand que nous avons commencé à recueillir durant la deuxième période d’exploitation, nous pourrons étudier leurs propriétés avec une plus grande précision, afin de tenter de mieux comprendre comment la force forte forme les hadrons en agissant sur les quarks qui les constituent. »
Cette découverte vient s’ajouter à celle des deux premiers pentaquarks faite par la collaboration LHCb l’année dernière.
« Les résultats obtenus sur les tétraquarks, qui font suite à la découverte des pentaquarks, montrent à quel point le LHC est une installation riche et puissante pour améliorer notre connaissance de la spectroscopie hadronique, s’enthousiasme Guy Wilkinson. Lorsque l’expérience LHCb a été conçue, ce sujet suscitait peu d’attention. Il s’avère que le détecteur est remarquablement bien adapté pour les études dans ce domaine », conclut-il.
Pour en savoir plus sur les tétraquarks découverts, consultez le site web de LHCb et les deux articles scientifiques soumis (voir ici et ici).