De nouveaux éléments en faveur de l’existence d’une particule encore inconnue, qui pourrait être porteuse d’une cinquième force fondamentale, encouragent la collaboration NA64 au CERN à poursuivre de plus belle ses recherches.
En 2015, une équipe de scientifiques détectait dans une transition nucléaire une erreur ou « anomalie » inattendue, qui pourrait s’expliquer par la production d’une particule inconnue. Environ une année plus tard, des théoriciens faisaient l’hypothèse que cette nouvelle particule pourrait être le signe d’une cinquième force fondamentale de la nature, qui s’ajouterait aux quatre autres : force forte, force faible, électromagnétisme et gravité. Les résultats ont piqué la curiosité de scientifiques du monde entier et donné lieu à plusieurs études, dont une recherche directe de la particule par la collaboration NA64 au CERN.
Un nouvel article de l’équipe, de l’institut Atomki, en Hongrie, et dirigée par Attila Krasznahorkay, fait à présent état d’une deuxième anomalie, dans une transition nucléaire semblable, qui pourrait elle aussi être expliquée par la même particule hypothétique.
La première anomalie repérée par l’équipe hongroise provenait d’une transition de noyaux de béryllium-8. Cette transition émet un photon virtuel de haute énergie qui se transforme en un électron et un positon (le pendant de l’électron dans l’antimatière). En examinant le nombre de paires électron-positon à différents angles de séparation, les scientifiques ont découvert un excédent de paires inattendu à un angle d’environ 140°. Or le nombre de paires devrait, d’après la théorie, décroître à mesure que l’angle augmente, sans excédent à un angle en particulier. Attila Krasznahorkay et ses collègues ont estimé que cet excès pourrait s’expliquer par la production d’une particule non détectée jusqu’alors, d’une masse d’approximativement 17 millions d’électronvolts (MeV) et qui se transformerait ensuite en une paire électron-positon : la particule « X17 ».
La dernière anomalie signalée par l’équipe hongroise, dans un article qui doit encore être relu par des pairs, se manifeste également sous la forme d’un excédent de paires électron-positon, observé cette fois-ci dans une transition de noyaux d’hélium-4. « Cet excédent-ci est apparu à un angle de 115°, mais il peut lui aussi s’expliquer par la production d’une particule d’une masse d’environ 17 MeV, explique Attila Krasznahorkay. Ce résultat vient corroborer notre observation précédente et soutient l’hypothèse de l’existence d’une nouvelle particule élémentaire. »
Sergei Gninenko, porte-parole de la collaboration NA64 au CERN, dont la recherche directe n’a pas détecté de signes de la présence de la particule X17, explique : « Les anomalies détectées par Atomki pourraient être dues à un effet lié à l’expérience, à un effet lié à la physique nucléaire ou à quelque chose de complètement nouveau, comme une particule non détectée jusqu’ici. Pour mettre à l’épreuve cette dernière hypothèse, deux choses sont essentielles : une analyse théorique détaillée de la compatibilité entre les résultats obtenus avec le béryllium-8 et ceux obtenus avec l’hélium-4, et une confirmation par une expérience indépendante. »
Pour rechercher cette particule X17, la collaboration NA64 envoie un faisceau de dizaines de milliards d’électrons depuis le Supersynchrotron à protons sur une cible fixe. Si l’X17 existe, les interactions entre les électrons et les noyaux de la cible devraient de temps à autre créer cette particule, qui se transformerait ensuite en une paire électron-positon. Jusqu’à présent, la collaboration n’a observé aucun signe d’un tel événement, mais les données qu’elle a obtenues ont permis d’exclure une partie des valeurs possibles pour la force d’interaction entre la particule X17 et un électron. L’équipe est à présent en train d’améliorer son détecteur en vue de la prochaine série de recherches, qui, d’après Sergei Gninenko, devraient se révéler plus complexes mais également d’autant plus intéressantes.
Parmi les autres expériences qui pourraient aussi se lancer à la poursuite de la particule X17 en menant une recherche directe, on trouve LHCb. Jesse Thaler, physicien théoricien de l’Institut de technologie du Massachusetts, indique : « D’ici à 2023, l’expérience LHCb devrait réussir à enregistrer une mesure définitive qui permettra de confirmer ou de réfuter l’hypothèse selon laquelle les anomalies détectées à l’institut Atomki seraient dues à une cinquième force fondamentale. Pour l’instant, des expériences comme NA64 peuvent continuer de trier, par élimination, les valeurs possibles pour les propriétés de la particule hypothétique, et chaque nouvelle analyse nous apporte la possibilité (même faible) d’une découverte. »