L’asymétrie CP est la seule différence non insignifiante observée à ce jour entre la matière et l’antimatière. Sa découverte lors de l’observation de désintégrations de kaons neutres en 1964 a été une surprise de taille pour la communauté de la physique. De nos jours, c’est un élément essentiel du Modèle standard de la physique des particules. Sans l’asymétrie CP, le Big Bang aurait dû créer matière et antimatière en quantités égales. Ces dernières auraient alors dû s’annihiler intégralement, donnant lieu à un Univers vide composé uniquement de rayonnement. Pour générer un Univers dominé par la matière, tel que celui dans lequel nous vivons, un excédent de matière doit avoir été formé et avoir survécu à cette annihilation. Or, pour qu’il y ait un excédent, il faut une certaine différence entre matière and antimatière : c’est là qu’intervient l’asymétrie CP. Malheureusement, la quantité d’asymétrie CP présente dans le Modèle standard de la physique des particules ne suffit pas à expliquer la composition observée de l’Univers, ce qui a orienté de nombreuses études sur ce phénomène et la recherche d’autres sources d’asymétrie CP.
En mars dernier, lors de la session électrofaible des Rencontres de Moriond et pendant un séminaire du CERN, la collaboration LHCb a présenté de nouveaux résultats issus d’études sur l’asymétrie CP lors des désintégrations de mésons B chargés en trois corps sans charme. Ces désintégrations font intervenir un méson B chargé, constitué d’un quark beauté et d’un quark up, se transformant en une combinaison de mésons π et K. Le terme « sans charme » fait référence à l’absence de quark charme à l’état final : les mésons π± (pions) contiennent uniquement des quarks up et down, tandis que les mésons K± (kaons) contiennent un quark étrange et un quark up. Les désintégrations sans charme supposent la transformation d’un quark beauté en un quark up, ce qui est un processus improbable dans la mesure où le quark beauté se désintègre de préférence en un quark charme. Dans ce processus rare, on s’attend à ce que les effets de la violation de CP soient accentués.
Les nouveaux résultats du LHCb se concentrent sur la violation de CP dite « directe », c’est-à-dire la situation où un même processus de désintégration aurait une probabilité différente selon qu’il s’agit d’une particule ou d’une antiparticule.. L’asymétrie globale la plus forte avait été observée pour la désintégration en deux kaons et un pion : la désintégration B+→π+K+K- survenait avec une probabilité environ 20 % plus élevée que la désintégration B-→π-K+K- (correspondant à une asymétrie CP mesurée [ACP] égale à -0,114). Une asymétrie CP globale a également été observée avec une signification supérieure à cinq écarts types pour la première fois lors de désintégrations en trois pions et de désintégrations en trois kaons. Concernant l’état final à deux pions et un kaon, la violation de CP n’est pas encore confirmée.
L’étude de l’état final à trois particules peut toutefois être affinée afin d’obtenir des informations plus précises. Le processus de transformation d’un méson B en trois particules peut avoir lieu en plusieurs étapes, avec la formation de particules éphémères intermédiaires (ou « résonances ») qui se désintègrent ensuite en pions et en kaons observés à l’état final. Ces processus peuvent contribuer de diverses manières à l’asymétrie CP et peuvent être distingués en démêlant les impulsions des particules à l’état final grâce à une « analyse de l’espace de phase ». Un résultat spectaculaire de ce type d’analyse est l’indication de la formation d’un méson χhc0 (contenant une paire charme-anticharme) au cours de la désintégration B→πππ. Il n’était pas attendu que le méson χhc0 contribue à la violation de CP ; or, les résultats montrent la présence d’une asymétrie importante. En fait, le sous-ensemble de données contenant les événements donnant naissance à un méson χhc0 comporte la plus grande asymétrie CP jamais observée : la contribution du méson B- à ce processus est presque sept fois plus importante que celle du méson B+, comme l’illustre le graphique ci-dessous.
Les résultats présentés fournissent des indices importants concernant le mécanisme qui est à l’origine de l’asymétrie CP dans le Modèle standard, mécanisme qui n’est pas encore entièrement compris. Des études encore plus détaillées seront menées lors de la troisième exploitation du LHC à venir, suite aux toutes dernières améliorations du détecteur LHCb.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web de l’expérience LHCb (en anglais).