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ISOLDE s'aventure dans une région inexplorée de la carte des nucléides

L'étude de cette région encore presque inexplorée pourrait aider à comprendre comment l'or et d'autres éléments lourds se sont formés dans l'Univers

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Shows the inside of the ISOLDE Solenoidal Spectrometer

Instrumentation à l'intérieur de l'ISS d'ISOLDE (Image: Ben Kay, Argonne National Laboratory)

De nombreux éléments lourds, tels que l'or, se seraient, pense-t-on, formés dans des environnements cosmiques riches en neutrons – des supernovas ou des fusions d'étoiles à neutrons. Dans ces contextes extrêmes, les noyaux atomiques peuvent rapidement capturer des neutrons et devenir plus lourds, ce qui aboutit à la création de nouveaux éléments. Dans les régions les plus périphériques de la carte des nucléides, où sont classés tous les nucléides connus en fonction du nombre de protons et de neutrons qu'ils renferment, se trouvent des noyaux mal connus qui sont essentiels à la compréhension fine de ce processus de capture neutronique rapide. C'est particulièrement le cas des nucléides comportant moins de 82 protons et plus de 126 neutrons.

Des équipes de recherche utilisant l'installation de physique nucléaire ISOLDE, au CERN, ont commencé à s'aventurer dans cette région presque inexplorée de la carte des nucléides, avec une première étude de la structure neutronique de l'isotope du mercure 207Hg. Cet isotope n'est pas directement lié au processus de capture neutronique rapide, dit « processus r », mais c'est un voisin relativement proche des noyaux concernés par ce processus, situés dans ces territoires mal défrichés de la carte des nucléides. Le noyau 207Hg pourrait ainsi contribuer à révéler certains secrets du processus r et, ainsi, nous renseigner sur l'origine des éléments lourds.

Pour étudier la structure neutronique de 207Hg, les chercheurs ont tout d'abord extrait des isotopes 206Hg produits à ISOLDE, en même temps que des centaines d'autres isotopes exotiques, dans une cible de plomb en fusion percutée par un faisceau de protons de 1,4 milliards d'électronvolts issu du Booster du PS. Les isotopes 206Hg, comportant un neutron de moins que les noyaux 207Hg, ont ensuite été accélérés dans HIE-ISOLDE jusqu'à une énergie d'environ 1,52 milliards d'électronvolts, soit l'énergie la plus élevée jamais atteinte dans cette installation. Les chercheurs ont ensuite dirigé les isotopes 206Hg sur une cible de deutérium située à l'intérieur du détecteur ISS (ISOLDE Solenoidal Spectrometer), un nouveau spectromètre magnétique, lequel a révélé des événements dans lesquels des isotopes 206Hg avaient capturé un neutron et s'étaient transformés en isotopes 207Hg excités.

En analysant ces événements, les scientifiques ont pu déterminer les énergies de liaison des orbitales nucléaires de capture neutronique, c'est-à-dire le degré de liaison entre le neutron capturé et les autres neutrons et protons. Ils ont ensuite intégré ces résultats dans des modèles théoriques du processus r, afin de mettre ceux-ci à l'épreuve.

« Ce résultat marque la première exploration de la structure neutronique du noyau 207Hg, et il ouvre la voie à de futures études expérimentales auprès de l'ISS d'ISOLDE, ou auprès d'installations de physique nucléaire de prochaine génération, qui porteront sur la région nucléaire presque inconnue où se trouve l'isotope 207Hg », déclare Ben Kay, chercheur principal au Laboratoire national d'Argonne, où a été mise au point la technique ayant permis la réalisation de l'ISS.

« Cette étude a été rendue possible par trois choses : le système d'accélérateurs de HIE-ISOLDE, qui permet désormais d'accélérer des isotopes radioactifs jusqu'à des énergies proches de 10 millions d'électronvolts par proton ou neutron ; l'installation de l'ISS, un ancien aimant d'imagerie médicale reconverti en instrument d'étude des noyaux exotiques par une collaboration réunissant des équipes du Royaume-Uni, de Belgique et du CERN ; et enfin, ce qui n'est pas le moins important, un détecteur de particules fourni par le Laboratoire national d'Argonne, qui a permis de réaliser l'expérience juste avant le début de l'arrêt du complexe d'accélérateurs du CERN », explique Gerda Neyens, porte-parole d'ISOLDE.