L’un des objectifs principaux des expériences du LHC est de déceler des traces de nouvelles particules, susceptibles d’apporter des réponses à des énigmes que la physique ne parvient pas encore à élucider. Généralement, la recherche d’une nouvelle physique est centrée sur la recherche d’un certain type de particules, et s’appuie sur les prédictions de la théorie. Mais qu’en est-il des particules non-prédites, et donc inattendues ? Décortiquer les milliards de collisions produites par les expériences du LHC sans savoir quoi serait pour les équipes de recherche un travail titanesque. C’est pourquoi les équipes d’ATLAS et de CMS, plutôt que de passer les données au crible pour repérer des anomalies, confient ce travail à l’intelligence artificielle (IA).
Ce 26 mars, à l’occasion d’une conférence aux Rencontres de Moriond, des scientifiques de la collaboration CMS ont présenté leurs derniers résultats en matière de recherche de paires de « jets », obtenus à l’aide de diverses techniques d’apprentissage automatique. Ces jets sont des gerbes collimatées de particules issues de quarks et de gluons interagissant fortement. Particulièrement difficile à analyser, ce phénomène pourrait bien nous renseigner sur une nouvelle physique.
Les équipes d’ATLAS et de CMS utilisent diverses stratégies pour entraîner leurs algorithmes d’IA à la recherche de jets. En examinant la forme des signatures énergétiques complexes, il est possible de déterminer quelle particule est à l’origine d’un jet. Les scientifiques des deux expériences sont en train d’apprendre à leurs IA à reconnaître les caractéristiques des jets émis par des particules connues, en s’appuyant sur de véritables données de collisions. L’algorithme peut ainsi différencier les signatures des jets habituels de celles des jets atypiques, susceptibles de renfermer des interactions encore inconnues. De tels phénomènes se traduiraient par une accumulation de jets inhabituels dans les données récoltées.
L’IA peut également être entraînée à observer l’ensemble de la collision et à chercher d’éventuelles anomalies parmi les propriétés des particules détectées. Ces propriétés inhabituelles pourraient indiquer la présence de particules inconnues. Cette technique a été validée dans un article publié par la collaboration ATLAS en juillet 2023, qui présentait l’une des premières utilisations d’un algorithme d’apprentissage automatique non supervisé pour exploiter des mesures réalisées au LHC. À CMS, et selon une approche différente, les équipes ont produit des simulations de potentiels nouveaux signaux, puis demandé à l’IA de repérer, au sein de vraies données, des collisions dont les jets s’écartent de la norme pour s’approcher des signaux simulés.
D’après les derniers résultats présentés par la collaboration CMS, chaque méthode d’entraînement de l’IA a montré une sensibilité particulière sur différents types de nouvelles particules, aucun algorithme ne s’étant avéré plus performant que les autres. L’équipe de CMS est parvenue à limiter la cadence de production de certains types de particules à l’origine de jets inhabituels. Elle a également montré que, par rapport aux techniques traditionnelles, l’utilisation d’algorithmes modifiés par intelligence artificielle améliorait considérablement la sensibilité pour une vaste gamme de signatures de particules.
Ces résultats illustrent la façon dont l’apprentissage automatique va révolutionner la recherche d’une nouvelle physique. « Nous pensons déjà à de nouvelles améliorations à apporter aux algorithmes, et à des moyens de les appliquer à de nouveaux ensembles de données pour chercher plusieurs types de particules », explique Oz Amram, de l’équipe responsable des analyses de CMS.
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