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De nouvelles voies d'observation pour le boson de Higgs

ATLAS et CMS ont présenté leurs résultats les plus récents concernant de nouvelles signatures permettant la détection du boson de Higgs auprès du LHC

Événements de collision enregistrés par ATLAS et CMS, utilisés dans la recherche de transformations rares du boson de Higgs (Image: CERN)

Cette actualité fait partie d'une série d’articles relatifs à l'édition 2020 de la conférence sur la physique auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHCP), qui se déroule du 25 au 30 mai 2020. En raison de la pandémie de COVID-19, la conférence, qui devait se tenir initialement à Paris, a lieu entièrement en ligne.


Les collaborations ATLAS et CMS ont présenté leurs résultats les plus récents concernant de nouvelles signatures permettant la détection du boson de Higgs auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Ces résultats incluent les recherches de désintégrations rares du boson de Higgs en un boson Z – particule porteuse de l’une des forces fondamentales de la nature – et une deuxième particule. L’observation et l’étude de désintégrations rares d’après la théorie contribuent à faire avancer la connaissance de la physique des particules et pourraient en outre ouvrir la voie à une nouvelle physique si les observations diffèrent des prédictions théoriques. Les résultats présentés comprenaient également des recherches d’indices de désintégrations du Higgs en particules « invisibles », qui pourraient mettre en évidence d’éventuelles particules de matière noire. Les analyses ont porté sur près de 140 femtobarns inverses de données, soit environ 10 millions de milliards de collisions proton-proton, enregistrées entre 2015 et 2018.

Les détecteurs ATLAS et CMS ne peuvent jamais observer directement un boson de Higgs : en effet, cette particule éphémère se transforme (se « désintègre ») en des particules plus légères presque immédiatement après avoir été produites dans des collisions proton-proton ; ce sont ces particules plus légères qui laissent des signatures révélatrices dans les détecteurs. Cependant, des signatures similaires peuvent être produites par d’autres processus du Modèle standard. Les scientifiques doivent donc tout d’abord identifier chacun des éléments qui correspondent à cette signature, puis accumuler suffisamment de données statistiques pour être en mesure de confirmer que les collisions ont effectivement produit des bosons de Higgs.

Lorsqu’il a été découvert en 2012, le boson de Higgs a été observé essentiellement sous la forme de sa désintégration en paires de bosons Z et en paires de photons. Ces « canaux de désintégration » produisent des signatures relativement limpides qui les rendent plus facilement détectables ; ils ont été observés au LHC. D’autres transformations ne se produisent que très rarement, ou bien ont une signature moins claire, et sont donc difficiles à repérer.

Lors de la conférence LHCP, ATLAS a présenté les résultats les plus récents de recherches portant sur un processus rare de ce type, dans lequel un boson de Higgs se transforme en un boson Z et un photon (γ). Le Z ainsi produit, lui-même instable, se transforme en paires de leptons, soit électrons soit muons, laissant ainsi dans le détecteur une signature constituée de deux leptons et d’un photon. Étant donné la faible probabilité d’observer une transformation de Higgs en Zγ dans le volume de données analysées, ATLAS a pu exclure la possibilité que plus de 0,55% de bosons de Higgs produits dans le LHC se transforment en Zγ. « Grâce à cette analyse, déclare Karl Jakobs, porte-parole de la collaboration ATLAS, nous pouvons montrer que notre sensibilité expérimentale pour cette signature est maintenant proche de la prédiction du Modèle standard. » La meilleure valeur extraite pour la force du signal H→Zγ, définie comme le rapport entre le rendement du signal observé et le rendement prédit par le Modèle standard, est de 2.0+1.0−0.9.

CMS a présenté les résultats de la première recherche de transformations du Higgs dans lesquelles intervient également un boson Z, mais accompagné d’un méson ρ (rho) ou φ (phi). Le boson Z, là encore, se désintègre en paires de leptons, alors que la seconde particule se transforme en paires de pions (ππ), dans le cas du ρ et en paires de kaons (KK) dans le cas du φ. « Ces transformations sont extrêmement rares, explique Roberto Carlin, porte-parole de la collaboration CMS, et ne sont pas attendues dans les événements observés au LHC, à moins que n’intervienne de la physique au-delà du Modèle standard. » Les données analysées ont permis à CMS d’exclure qu’environ plus de 1,9% des bosons de Higgs puissent se désintégrer en Zρ et plus de 0,6% se désintégrer en Zφ. Même si ces limites sont très supérieures aux prédictions du Modèle standard, elles montrent la capacité des détecteurs de s’aventurer dans la recherche de physique au-delà du Modèle standard.

On parle de « secteur noir » pour désigner des particules hypothétiques qui pourraient constituer la matière noire, cet élément mystérieux qui représenterait plus de cinq fois la masse de la matière ordinaire dans l’Univers. Les scientifiques estiment que le boson de Higgs pourrait révéler des indices au sujet de la nature des constituants de la matière noire, car certaines « extensions » du Modèle standard émettent l’hypothèse qu’un boson de Higgs puisse se désintégrer en particules de matière noire. Ces particules n’interagiraient pas avec les détecteurs ATLAS et CMS, ce qui signifie qu’elles resteraient invisibles pour eux, et échapperaient à la détection directe ; elles se manifesteraient sous la forme d’« énergie manquante » dans l’événement de collision. À la conférence LHCP, ATLAS a présenté les limites supérieures les plus récentes – de 13% – concernant la probabilité qu’un boson de Higgs puisse se transformer en des particules invisibles dénommées WIMP (weakly interacting massive particles – particules massives interagissant faiblement), alors que CMS a présenté des résultats d’une nouvelle recherche portant sur les transformations du Higgs en quatre leptons via au moins un « photon noir » intermédiaire, présentant également des limites sur la probabilité qu’une telle transformation se produise au LHC.

Le boson de Higgs continue ainsi à se révéler précieux pour les scientifiques, les aidant à mettre à l’épreuve le Modèle standard de la physique des particules, mais aussi à explorer la physique qui pourrait se situer au-delà de ce Modèle standard. Ce sont là quelques-uns des nombreux résultats concernant le boson de Higgs qui ont été présentés à la conférence. Vous trouverez des articles plus détaillés à ce sujet sur les sites web d’ATLAS et de CMS.

Note technique

Lorsque les volumes de données ne sont pas assez importants pour qu’il soit possible de revendiquer une observation avérée d’un processus donné, les scientifiques sont en mesure de prédire les limites qui peuvent être fixées pour ce processus. Dans le cas des désintégrations du Higgs, ces limites reposent sur le produit de deux termes : le taux de production du boson de Higgs dans les collisions proton-proton (la section efficace de production) et le taux de sa désintégration en particules plus légères (le rapport d’embranchement).

ATLAS prévoyait de fixer une limite supérieure égale à 1,7 fois la valeur prédite par le Modèle standard pour le processus de désintégration du Higgs en un boson Z et un photon (H→Zγ) si cette désintégration n’était pas présente. En fait, la collaboration a pu fixer une limite supérieure égale à 3,6 fois cette valeur, ce qui signifie que la sensibilité des mesures est proche des prédictions du Modèle standard. Les recherches de CMS portaient sur un processus beaucoup plus rare, devant, selon les prédictions du Modèle standard, se produire une fois par million de désintégrations du Higgs. La collaboration a pu fixer des limites supérieures égales à environ 1000 fois la valeur prédite par le Modèle standard pour les processus H→Zρ et H→Zφ.

Liens vers les articles et notes