Il n’est pas rare de retrouver des technologies de la physique des particules dans d’autres domaines de la science, voire même dans la vie de tous les jours. C’est notamment le cas du web ou celui des détecteurs de particules utilisés comme outils de diagnostic médical. Les chercheurs qui travaillent sur l’accélérateur CLIC (l’un des possibles successeurs du LHC) ont organisé, à l’occasion d’un atelier qui s’est déroulé la semaine dernière, une « Journée du gradient élevé » (High Gradient Day), un événement visant à accélérer le transfert vers l’industrie de connaissances acquises grâce à des années de R&D.
Pendant cette journée spéciale, des organisations exploitant des sources de lumière de Suisse, de Turquie, d’Italie, de Chine, d’Australie et de Suède ont présenté à l’équipe du CLIC leurs cahiers des charges, leurs attentes et leurs futurs projets. Pour Walter Wuensch, responsable de la R&D en bande X pour le CLIC, et ses collègues, créer un laser à électrons libres source de lumière piloté par la technologie du CLIC serait l’accomplissement d’un rêve. La technologie et les outils de diagnostic du faisceau ont fait l’objet de tests très poussés, précise Walter Wuensch. « Nous pensons être capables de construire des accélérateurs linéaires pour des lasers à électrons libres dans le respect des cahiers des charges présentés », déclare-t-il.
La machine CLIC accélérerait les électrons et leurs antiparticules, les positons, grâce à un procédé unique s’appuyant sur deux accélérateurs placés côte à côte. Le premier (l’accélérateur linéaire principal) entraînerait le faisceau principal vers le point de collision ; le second (l’accélérateur du faisceau d’entraînement) fournirait un faisceau d’entraînement permettant de donner le plus de puissance possible, en augmentant le gradient d’accélération.
Afin de pouvoir tester les structures accélératrices, les chercheurs du CLIC construisent des bancs d’essai, lesquels ne sont pas alimentés par le faisceau principal du CLIC mais par des klystrons, qui fournissent une puissance radiofréquence en bande X. Les chercheurs estiment que ces bancs d’essais à klystrons (associés à des structures accélératrices à gradient élevé) pourraient être utiles pour les futurs lasers à électrons libres pilotés par un accélérateur qui fournissent une lumière laser très particulière permettant l’étude, entre autres, de matériaux, d’échantillons biologiques et de processus moléculaires. « Lorsque le gradient d’un accélérateur est élevé, ses dimensions peuvent être réduites car les faisceaux peuvent atteindre l’énergie souhaitée de manière beaucoup plus efficiente, explique Walter Wuensch. Nous avons mené de nombreuses recherches pour obtenir le gradient voulu pour le CLIC, lesquelles nous ont permis d’acquérir de l’expérience en matière de systèmes en bande X. En outre, aujourd'hui, des sources sont disponibles sur le marché. Ainsi, un accélérateur en bande X est relativement abordable. » Cela signifie que les lasers à électrons libres pourront être construits ou améliorés par les laboratoires et les entreprises, et être employés pour toute sorte d'applications.
La Journée du gradient élevé a également permis de mettre en avant l’utilisation du savoir-faire du CLIC pour des projets médicaux. Parmi ces projets, TERA TULIP étudie l’utilisation d’un accélérateur de protons pour traiter le cancer. L’expérience acquise par le CLIC sur le gradient élevé pourrait contribuer à réduire la taille et le poids du portique utilisé pour envoyer le faisceau sur la tumeur du patient ; l’accélérateur serait installé directement sur l’appareil, ce qui réduirait le nombre d’aimants de courbure nécessaires pour orienter le faisceau de protons. Si le portique pouvait se déplacer autour du patient et fournir des faisceaux d’une grande précision, il serait possible d’éviter des impacts sur des tissus non cancéreux.
D’autres applications possibles des compétences en matière de bande X et de gradient élevé ont été abordées à l’occasion de la journée consacrée à l’industrie, « mais les projets que nous venons d’évoquer sont à un stade plus avancé », conclut Walter Wuensch. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant de la mise en service du premier laser à électrons libres basé sur la technologie du CLIC.