View in

English

Une collaboration internationale dirigée par le CERN développe des détecteurs de neutrinos imprimés en 3D

Un scintillateur « super cube » imprimé en 3D correspondrait à la première utilisation de la fabrication additive pour les détecteurs de particules et permettrait une collecte de données plus précises

|

Plastic Scintillator detector
Exemple de détecteur à scintillation plastique (gauche) et une étape du processus d'impression 3D (droite) (Image: CERN)

Exemple de détecteur à scintillation plastique (gauche) et une étape du processus d'impression 3D (droite)

Les scintillateurs plastique comptent parmi les matériaux actifs les plus utilisés en physique des hautes énergies. Leurs propriétés permettent d’identifier différents types de particules. Les scintillateurs sont notamment utilisés dans les détecteurs d’expériences sur l’oscillation des neutrinos, où ils reconstruisent l’état final de l’interaction des neutrinos. Les phénomènes d’oscillation sont mesurés en comparant les observations de neutrinos dans des détecteurs proches (à proximité de la cible) et des détecteurs lointains (situés à plusieurs centaines de kilomètres de la cible).

Le CERN participe activement à l’expérience T2K, expérience de premier plan menée actuellement au Japon sur l’oscillation des neutrinos, qui a récemment publié des résultats prometteurs. Une amélioration à venir du détecteur proche de l’expérience ouvrira la voie à des résultats plus précis. Le nouveau détecteur sera composé d’un détecteur à scintillateurs à base de polystyrène pesant deux tonnes, segmenté en cubes de 1 × 1 × 1 cm3, représentant un total d’environ deux millions d’éléments sensibles. Plus la taille des cubes est réduite, plus les résultats sont précis. Cette technologie pourrait être adoptée pour d’autres projets, notamment le détecteur proche DUNE. Toutefois, une précision accrue des mesures exige une granularité plus fine, ce qui rend l’assemblage du détecteur particulièrement difficile.

C’est là qu’intervient le groupe Neutrino du département EP du CERN, dirigé par Albert De Roeck : il développe une nouvelle technique de production de scintillateurs plastique faisant intervenir la fabrication additive. La R&D est menée en collaboration avec l’Institut des matériaux de scintillation (Institute for Scintillation Materials – ISMA) de l’Académie ukrainienne des sciences, laquelle bénéficie d’une haute expertise dans le développement de matériaux destinés aux scintillateurs, et la Haute École d’Ingénierie et Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD), spécialisée dans le domaine de la fabrication additive. L’objectif final est d’imprimer en 3D un « super cube », c’est-à-dire un scintillateur en un seul bloc massif contenant de nombreux cubes indépendants sur le plan optique. L’impression 3D résoudrait la contrainte d’assemblage des cubes individuels, qui pourraient alors être produits quelle que soit la taille, y compris dans des dimensions inférieures à 1 cm3, et ce dans des délais relativement courts (des volumes supérieurs à 20 × 20 × 20 cm3 peuvent être produits en une journée environ).

Jusqu’ici, la collaboration a été fructueuse. Un test préliminaire a permis de valider le concept : il a été démontré que le rendement lumineux obtenu avec un scintillateur en polystyrène imprimé en 3D avec modélisation par dépôt de fil en fusion (voir figure de droite) est comparable à celui d’un scintillateur traditionnel. Toutefois, il faudra encore attendre avant de pouvoir bénéficier d’un super cube prêt à l’emploi. En effet, il est nécessaire d’optimiser encore les paramètres du scintillateur et le réglage de la configuration de l’imprimante 3D, puis de caractériser entièrement le scintillateur imprimé en 3D, avant de pouvoir développer le matériau réflecteur de lumière destiné à l’isolement optique des cubes.

Cette nouvelle technique pourrait également offrir de nouvelles possibilités dans le domaine de la détection des particules. Un scintillateur plastique imprimé en 3D efficace pourrait permettre une utilisation plus large de cette technologie pour la construction de détecteurs, et ainsi révolutionner le domaine de la physique des hautes énergies, comme celui de la médecine, où les détecteurs de particules sont notamment utilisés dans les thérapies contre le cancer. En outre, il pourrait être relativement facile de répliquer l’imprimante 3D, présentant un très bon rapport coût-efficacité, et de l’utiliser dans des contextes très variés. Umut Kose, membre du groupe Neutrinos du département EP, travaillant sur la plateforme neutrino du CERN, nous confie : « Notre rêve va plus loin que le super cube. Nous aimons à penser que, d’ici quelques années, l’impression 3D permettra aux élèves de lycée de fabriquer leurs propres systèmes de détection des rayonnements. Le potentiel d’application de cette technologie est fascinant. »

Davide Sgalaberna, qui travaille maintenant à l’EPFZ, à Zurich, a du mal à masquer son enthousiasme pour cette aventure : « C’est la première fois que l’impression 3D pourrait être utilisée pour de véritables détecteurs de particules. Notre détermination personnelle se concrétise en un projet, et nous espérons que cela se traduira par une avancée. C’est vraiment passionnant. » Une passion partagée par les collègues de Davide, déterminés à reprendre leurs travaux sur l’impression 3D du détecteur dès que l’assouplissement des règles de confinement permettra à toute l’équipe de revenir au CERN.

_____

Retrouvez l’article complet (en anglais) dans le bulletin d’information du département EP.