En février dernier, les deux premières cavités-crabe faisaient leur entrée dans le tunnel du SPS pour entamer une série de tests inédits. À l’heure du bilan, les équipes des départements BE, EN et TE qui ont contribué à leur dévelopemment, ont le sourire.
Les cavités-crabe sont des éléments importants développés pour le LHC à haute luminosité, qui sera mis en service après 2025 et permettra d'augmenter la luminosité du LHC. Installées de part et d’autre des expériences ATLAS et CMS, les cavités-crabe inclineront les paquets de protons de chaque faisceau, de manière à maximiser leur zone de recouvrement lorsqu’ils se croiseront au centre des deux expériences et ainsi augmenter la probabilité de collision.
Les deux premières cavités-crabe ont été testées avec le faisceau du SPS au cours de 70 heures de périodes de développement machine. Après l’installation complexe du dispositif en avril, le premier succès est survenu dès la première période de test, le 23 mai, avec la démonstration que des paquets de protons pouvaient être inclinés au moyen de ces cavités radiofréquence supraconductrices générant un champ transverse.
Par la suite, une série de tests a été menée pour montrer que les cavités pouvaient effectuer des manipulations du faisceau avec des réglages fins, autrement dit orienter plus ou moins les paquets. « Nous avons validé le principe, sa reproductibilité et prouvé que les cavités-crabe sont un excellent outil pour manier les faisceaux de protons », explique Rama Calaga, du groupe BE-RF et responsable du projet. « Nous avons par ailleurs montré que l’opération est transparente, c’est à dire que l’on peut agir sur les faisceaux tout au long du cycle du faisceau sans en changer la dynamique. »
Les cavités ont fonctionné avec des faisceaux de 26 GeV d’énergie, puis de 270 GeV, avec une tension transverse allant jusqu’à 2 megavolts, soit 60 % de la tension nominale qui sera utilisée dans le LHC. Le système radiofréquence de haute puissance a prouvé qu’il fonctionnait correctement.
Une question importante résidait dans les perturbations engendrées par le fonctionnement des cavités. « Ces effets sont moins importants que ce que nous attendions. En particulier, l’émittance augmente de manière très limitée, ce qui était un point très important », explique Rama Calaga. Plus l’émittance est petite, plus la dimension transversale du faisceau l’est aussi ; c’est donc un paramètre crucial pour un accélérateur.
Hormis la dynamique du faisceau, d’autres paramètres devaient également être vérifiés. Les équipes ont ainsi testé l’installation cryogénique qui refroidit les cavités pour qu’elles puissent fonctionner à l’état supraconducteur. Une toute nouvelle installation cryogénique, avec une boîte froide mobile, a été mise en service pour le banc d’essai. « Nous avons pu valider la taille de l’installation cryogénique, ainsi que le système de vide », poursuit Rama Calaga.
L’alignement des cavités était aussi crucial : un système d’alignement novateur, utilisant une technique d’interférométrie, a permis de suivre le positionnement des cavités au cours du refroidissement et de les aligner avec une précision inférieure à 0,2 millimètre dans le plan transverse. « Nous avons ainsi vérifié notre technique d’assemblage et la procédure d’alignement », souligne Rama Calaga.
Au cours de cette première année de fonctionnement, la table mobile développée tout spécialement pour le banc de test a réalisé des prouesses : elle a déplacé une dizaine de fois le cryomodule, rempli d’hélium liquide refroidi à 2 kelvins, pour le positionner sur la ligne de faisceau, puis l’en extraire. Pas moins de 8 tonnes ont été ainsi déplacés avec une précision inférieure à 100 microns. Une prouesse d’ingénierie !
Les accélérateurs à l’arrêt, les développements des cavités-crabe se poursuivent. Les pré-séries des deux types de cavités sont en cours de fabrication au CERN et dans l’industrie, en collaboration avec des instituts américains, britanniques et canadiens. Le banc de test du SPS sera amélioré durant le deuxième long arrêt technique pour mener des essais lors de la troisième période d’exploitation, avec pour objectif de pousser les performances des cavités.