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Dernières nouvelles des accélérateurs : les protons du LHC, trop rapides pour la tradition de Pâques

Les deux faisceaux circulent dans le LHC depuis le 8 avril : pas de démarrage de la mise en service avec faisceau à Pâques cette année

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Dans mon précédent article, j’indiquais que : « Si le retard de deux semaines se confirme, la mise en service 2025 pourrait à nouveau avoir lieu pendant le week-end de Pâques. S’agirait-il là d’une nouvelle constante de la nature ? ». Je faisais allusion au retard provoqué par une fuite dans le système de refroidissement par eau du calorimètre à argon d’ATLAS.

Mais, comme souvent au CERN, quand une difficulté surgit, tout le monde se mobilise. ATLAS a rassemblé ses ressources, et les autres expériences ont offert leur assistance pour que le problème puisse être résolu le plus vite possible. Grâce à cette coordination efficace et à un travail acharné, le retard de deux semaines prévu a pu être réduit à quatre jours seulement.

Et donc, finalement, le démarrage de la mise en service avec faisceau à Pâques n’est pas une nouvelle constante de la nature.

Très tôt le 8 avril, on a procédé aux derniers préparatifs : le puits d’accès à ATLAS a été fermé, les dernières vérifications ont été opérées sur le LHC et les experts se sont rassemblés dans le Centre de contrôle du CERN (CCC) pour participer à la mise en service avec faisceau et pour voir circuler des protons dans le LHC pour la première fois cette année.

Au moment où l’équipe LHC assiste au briefing de 9 heures, les équipes travaillant sur les injecteurs (Booster du PS, PS et SPS) effectuent de dernières vérifications sur le faisceau à un seul paquet destiné au LHC, résultat de semaines de réglages minutieux. À 9 h 30, l’ingénieur LHC responsable des systèmes avertit l’équipe du SPS que la première injection de faisceau dans le LHC va se produire dans quelques minutes. À 9 h 39, des protons issus du SPS sont injectés dans le LHC au point 2, devant le détecteur ALICE. Ce moment marque le début du processus de premier passage du faisceau 1 (sens horaire).

Dans ce processus, on injecte un seul paquet de faible intensité dans la machine pour le conduire tout au long d’un secteur du LHC. Le positionnement horizontal et vertical du faisceau est alors mesuré et corrigé. Ce processus est ensuite répété, et à chaque opération, le faisceau peut aller un peu plus loin, jusqu’à ce qu’il ait accompli une révolution complète, et soit en circulation.

Un peu plus tard, à 11 h 00, le même processus est lancé pour le faisceau 2 (sens anti-horaire), les premiers protons étant injectés au point 8, devant le détecteur LHCb. Une fois chaque faisceau mis en circulation séparément, les deux faisceaux sont injectés et, à midi, les deux circulent simultanément.

Ces premières injections sont toujours des moments forts. Un observateur extérieur pourrait avoir l’impression qu’il s’agit là de l’événement principal dans la mise en service du LHC avec faisceau. Mais, même si l’étape est importante, ce n’est que le début, et l’opération ne représente qu’une petite partie du processus complexe requis pour préparer les faisceaux pour la physique.

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L’écran « LHC page 1 » le 8 avril à 12 h 03. Le faisceau 1 (ligne bleue) a été le premier à circuler, à 10 h 40. À 11 h 43, le faisceau 2 (ligne rouge) circule aussi. Peu après midi, les deux faisceaux sont injectés et circulent simultanément dans le LHC pour la première fois en 2025. À cet instant, le véritable travail de mise en service des faisceaux commence. (Image: CERN)

Depuis le 8 avril, des équipes d’experts, ainsi que les ingénieurs LHC responsables des systèmes, travaillent d’arrache-pied pour régler la machine et remédier à des problèmes qui ne sont devenus apparents qu’une fois le faisceau en circulation.

Malgré le retard de quatre jours pour le début de la mise en service avec faisceau, le calendrier reste respecté. Les premières collisions avec faisceaux stables sont toujours prévues pour le 2 mai, et le véritable début du fonctionnement pour la physique, avec environ 1 200 paquets, reste fixé au 19 mai.

Dans l’intervalle, la physique a commencé à ISOLDE, à n_TOF et dans la zone Est, et la mise en service du SPS avec faisceau a été menée à bien. Le 4 avril, les physiciens chargés de la ligne de faisceau ont pris en main le faisceau du SPS pour mettre en service les quelque 6 km de lignes de faisceau situés entre le SPS et les différentes zones d’expériences de la zone Nord du SPS, où les premières expériences ont pu utiliser le faisceau le 14 avril.

Plus en amont de la chaîne d’accélérateurs, le Décélérateur d’antiprotons (AD) a achevé la mise en service du matériel le 3 avril, avec plusieurs jours d’avance, et les premiers antiprotons ont été injectés peu après.

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L’écran de l’AD le 8 avril. La ligne rouge montre l’impulsion du faisceau de l’AD passant de 3,5 GeV/C à 5 MeV/c. La ligne verte représente le nombre d’antiprotons tout au long du processus de décélération, et la ligne noire montre le niveau « record » de 2024. Un résultat remarquable au bout d’à peine quelques jours. Cependant, il reste un peu de chemin à parcourir pour reproduire la performance de 2024. (Image: CERN)

Pour produire les antiprotons, on bombarde la cible de l’AD au moyen d’un faisceau de protons de haute énergie venant du PS. Ces antiprotons sont d’abord décélérés à 5 MeV par l’AD, puis encore ralentis par ELENA, qui les ramène à 100 keV. Grâce à sa source d’ions H⁻, ELENA a pu prendre de l’avance. L’équipe AD/ELENA a commencé la mise en service avec faisceau au moyen des ions H⁻ bien avant de pouvoir disposer d’antiprotons, ce qui a permis de bien avancer.

Maintenant que l’on dispose d’antiprotons en provenance de l’AD, l’AD et ELENA ont mené à bien des cycles de décélération. En particulier, ELENA a déjà extrait des paquets contenant 10 millions d’antiprotons, nombre qui, en 2024, n’avait été atteint qu’au milieu de l’été, et représentait alors un record d’intensité. Le début du fonctionnement pour la physique du complexe est officiellement fixé au 5 mai, mais, étant donné les progrès rapides des opérations, il est probable que tout commencera plus tôt (à confirmer toutefois).