En parcourant les différents sites du CERN, vous serez peut-être surpris de voir la quantité de matériel jonchant le sol, comme si le CERN était en train de déménager ! Il s'agit en fait d'une partie des équipements délogés des tunnels de l'accélérateur et des divers bâtiments, en vue de leur remplacement ou rénovation dans le cadre des travaux prévus pour le LS2, qui vient tout juste de commencer.
Le LS2 est un arrêt principalement consacré au projet d'amélioration des injecteurs du LHC (LIU), qui consiste à préparer l'ensemble de la chaîne d'injection pour la fourniture de faisceaux haute brillance dans l'optique du LHC à haute luminosité (HL-LHC), dont le lancement est prévu en 2026. Les quelque 2 000 personnes qui travailleront sur les accélérateurs au cours du LS2 ont en ligne de mire le redémarrage progressif de la physique dans les halls d'expérience du Laboratoire dès le début de 2021.
Le projet LIU a été lancé en 2015, et beaucoup a déjà été accompli. Construction d'un accélérateur linéaire entièrement nouveau – le Linac 4 –, installation d'un système radiofréquence d'amplification de puissance à semi-conducteurs inédit et d'un nouveau système de décharge de faisceau pour le SPS, livraison d'un transformateur de grande puissance (200 MVA) à Prévessin : le CERN s'est progressivement doté de nouvelles installations, prêtes à entrer en fonction durant le LS2. Rien ne restera en l’état. Du vénérable Synchrotron à protons (PS) et son Booster au Supersynchrotron à protons (SPS), toutes les machines en amont du LHC seront transformées au cours des deux prochaines années.
Les dernières touches ont été apportées au processus de planification méticuleux du projet LIU, lors d'un atelier très productif qui a eu lieu mi-février, à Montreux, et qui a préparé la voie à la reprise de la physique, prévue pour 2021. Mais les travaux du LS2 n’ont pas attendu cette étape pour démarrer. Au Booster du PS, les équipes ont commencé à préparer la machine à recevoir des faisceaux de 160 MeV, au lieu de 50 MeV actuellement, et à les accélérer jusqu'à 2 GeV, au lieu de 1,4 GeV. Au PS lui-même, le retrait de 43 aimants de courbure de la machine, sur les 100 dont elle est dotée, a commencé, alors qu'au SPS, le remplacement de quelque 400 kilomètres de câblage a débuté, et des éléments du système d'accélération ont été remontés en surface en vue d’être rénovés. Tous ces travaux sont des réalisations majeures à part entière ; ils donnent une idée de l'ampleur et de la complexité de la tâche à accomplir. À mesure de l'avancement du LS2, des articles spécifiques du Bulletin vous tiendront au courant des dernières opérations ; l'article de cette semaine décrit les amplificateurs de puissance à semi-conducteurs révolutionnaires qui alimenteront les cavités radiofréquence du SPS.
Si l'objectif prioritaire du LS2 est le projet LIU, bien d'autres activités sont prévues. L'année prochaine, par exemple, le premier jeu de deux aimants dipolaires de 11 teslas utilisant du câble à base de niobium-étain (Nb3Sn) sera installé au point 7 du LHC. Cette technologie fait depuis longtemps l'objet d'études au CERN. Elle avait été envisagée au tout début du projet LHC, mais n'était pas à un stade suffisamment avancé à l'époque. La technologie ayant à présent évolué, ces aimants seront les premiers de ce type à être installés dans un accélérateur de particules. Lors du démarrage du HL-LHC, les aimants de focalisation finaux destinés à ATLAS et CMS utiliseront du câble en niobium-étain, de même que les quatre dipôles qui seront installés au point 7. La technologie du niobium-étain supporte une densité de courant plus élevée, permettant la production de champs plus importants et, ainsi, une meilleure focalisation dans les expériences, de même qu'une plus grande puissance de courbure pour les quatre dipôles, qui doivent produire la même puissance de courbure sur 11 mètres de longueur que les dipôles standard du LHC de 15 mètres, cela afin de libérer de l'espace pour de nouveaux collimateurs. Au cours du LS2, la consolidation des diodes de dérivation des principaux dipôles du LHC sera également réalisée, et une vingtaine d'aimants supraconducteurs seront remplacés.
Comme le LS1, le LS2 suivra un ambitieux programme de travail. Et le mot d'ordre sera le même : « sécurité, qualité, calendrier ». Nous avons beaucoup à faire, mais nous sommes bien préparés et nous réussirons, et nous le ferons en toute sécurité.