Au Grand collisionneur de hadrons (LHC), des ions lourds sont portés à des énergies extrêmement élevées, qui produisent des champs électromagnétiques intenses. De ce fait, des photons issus des faisceaux d'ions plomb peuvent interagir entre eux ou avec les noyaux ; ces interactions sont appelées collisions ultrapériphériques. Les diffusions photon-noyau à la plus haute énergie possible dans les accélérateurs de particules permettent aux physiciens de sonder la structure du noyau. Alors que le schéma bien connu pour les nucléons est celui d'une structure contenant trois quarks (up-up-down pour les protons et up-down-down pour les neutrons), en réalité, une grande partie des énergies des protons et des neutrons forment un océan complexe contenant des paires quark-antiquark et des gluons. Les collisions ultrapériphériques sont un extraordinaire moyen de tester la nature de la matière nucléaire.
L'expérience CMS vient de publier les premiers résultats s'appuyant sur des données issues de la première campagne avec ions lourds de la troisième période d'exploitation du LHC. Il s'agit des premières mesures de la production de mésons D0 (constitués d'un quark c et d'un antiquark up) et de leurs antiparticules, les mésons D0 bar (constitués d'un quark up et d'un antiquark c), dans des collisions ultrapériphériques. Les mésons D0 sont formés par des quarks c arrachés du noyau par les photons, et véhiculent des informations sur les fonctions de distribution du parton, qui décrivent le comportement des quarks et des gluons à l'intérieur des noyaux.
Pour mesurer la production de D0, le détecteur CMS commence par sélectionner des événements dans lesquels des collisions entre photon et noyau de plomb ont provoqué l'éclatement de celui-ci. Dans ce cas, les neutrons s'échappent parallèlement au faisceau, alors que les protons et les noyaux intacts suivent une trajectoire courbe, car leur charge électrique interagit avec les champs magnétiques présents dans le LHC. Deux calorimètres, à des angles de zéro degré par rapport au faisceau, placés à 140 m de distance de part et d'autre du point d'interaction, sont capables de détecter ces neutrons. Si les neutrons sont détectés par un calorimètre et non par l'autre, dans une fenêtre temporelle concordant avec la collision, l'événement est sélectionné pour être étudié.
Ensuite, les produits de la désintégration D0 (à savoir, des paires de kaons et de pions de charge opposée) sont reconstituées dans le détecteur CMS. Les physiciens prennent en compte toutes les combinaisons de trajectoires de pions et de kaons, chaque trace correspondant à une masse supposée du kaon et du pion. Ils filtrent ensuite ces combinaisons et utilisent les données pour identifier les traces qui correspondent à ce qui est attendu d'un méson D0. À partir de là, ils peuvent mesurer ce qu'on appelle la section efficace de production, qui correspond au taux de production de mésons D0.
Pour CMS, l'étude de la structure nucléaire au moyen de la production de mésons D0 n'est qu'une des nombreuses applications des collisions ultrapériphériques. Avec le temps, les méthodes s'affinant et les incertitudes systématiques étant réduites, cette technique permettra de fixer des limites aux fonctions de distribution de partons, amenant une meilleure compréhension de la structure de la matière nucléaire.
La prochaine campagne de collisions d'ions lourds de la troisième période d'exploitation du LHC démarrera début novembre.
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