Des millions de rayons cosmiques bombardent l'atmosphère terrestre chaque seconde. Ces particules naturelles qui arrivent de l'espace sont extrêmement difficiles à détecter et à mesurer. Lorsqu'elles entrent en collision avec des noyaux d'atomes situés aux confins de l'atmosphère, ces rayons cosmiques dits primaires engendrent des gerbes de rayons cosmiques secondaires qui viennent ensuite frapper le sol. LHCf (Large Hadron Collider forward), l'une des plus petites expériences du LHC, a été mis en place au début de l'exploitation du LHC pour étudier ces particules insaisissables. À la suite des améliorations apportées au détecteur pendant le deuxième long arrêt du LHC, le détecteur a repris cette semaine son étude des propriétés des rayons cosmiques, dans le cadre d'une campagne d'acquisition de données de cinq jours.
« Nous n’avons pas pu cacher notre impatience en voyant affiché sur l’écran ˝LHC page 1˝ que le LHC était en phase de remplissage en préparation de la prise de données de LHCf », raconte Oscar Adriani, porte-parole adjoint de LHCf.
Il s'agit de la première campagne d'acquisition de données de LHCf à l'énergie de collision record du LHC, soit 13,6 TeV. Cette campagne a coïncidé avec la durée record pendant laquelle le LHC a réussi à maintenir le même cycle de collisions, soit un total de 57 heures. Une durée du cycle de collisions plus longue signifie une meilleure efficience de la campagne d'acquisition de données.
Les rayons cosmiques primaires peuvent atteindre des énergies très élevées – supérieures à 10^17 eV – comparables à celles produites par les collisions à haute énergie dans le LHC. Placé à 140 m du point de collision d’ATLAS et mesurant seulement 20 x 40 x 10 cm, LHCf analyse les particules neutres qui ont été propulsées vers l'avant lors de collisions, reproduisant ainsi la façon dont sont produits les rayons cosmiques secondaires dans l'atmosphère terrestre. L'expérience peut analyser les particules neutres, étant donné qu'elles ne sont pas déviées par le fort champ magnétique du LHC, et mesurer leurs propriétés avec une extrême précision.
Cette campagne de cinq jours sera probablement la dernière campagne à base de collisions proton-proton pour LHCf ; en effet, lors de la prochaine campagne d'acquisition de données prévue au cours de la troisième période d'exploitation du LHC, la collaboration espère étudier des collisions proton-oxygène, qui reproduisent mieux l'interaction entre les rayons cosmiques primaires et l'atmosphère terrestre.
Profitant de l'énergie plus élevée de la troisième période d'exploitation du LHC et de la possibilité d’acquérir un plus grand nombre de données, LHCf recherche principalement des particules appelées kaons neutres et mésons êta neutres. Elles sont constituées d’un quark et d’un antiquark, ainsi que d'un quark étrange. « Les modèles qui prédisent l'interaction avec l'atmosphère prédisent un certain nombre de muons secondaires, mais le nombre de muons détectés ne correspond pas au nombre attendu, explique Oscar Adriani. Nous réussirons peut-être à résoudre cette question en mesurant l'élément étrange produit au LHC. »
Avec son énergie élevée et son environnement contrôlé, le LHC est l'endroit idéal pour simuler et étudier les interactions hadroniques des rayons cosmiques. « Les rayons cosmiques de haute énergie restent un mystère. Ils sont très difficiles à mesurer. D'énormes détecteurs sont nécessaires, et il est impossible de prendre des mesures directes tant que les rayons sont en orbite parce que leur flux est trop faible, poursuit Oscar Adriani. Ainsi LHCf est la seule expérience au monde capable de faire la lumière sur ces interactions à une énergie vraiment très élevée. Il constitue un élément essentiel pour les physiciens des rayons cosmiques. »
La collaboration LHCf est très reconnaissante à l’équipe de coordination d’ATLAS pour sa coopération et son soutien sans faille.