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La physique de la longévité

La collaboration CMS resserre ses filets autour de particules exotiques à longue durée de vie qui pourraient être piégées dans son détecteur

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Long-lived physics

Vue du détecteur CMS. L'expérience CMS cherche des particules exotiques à longue durée de vie. (Image : Michael Hoch, Maximilien Brice/CERN)

Les particules produites lors des collisions proton-proton de haute énergie dans le LHC n’y font pas de vieux os. L’existence d’un boson de Higgs dure moins d’un millième de milliardième de milliardième de seconde, puis celui-ci se désintègre en particules plus légères, lesquelles peuvent ensuite être détectées ou arrêtées par nos détecteurs. Rien n’interdit cependant qu’il existe des particules ayant une durée de vie bien plus longue, et certains scénarios théoriques récents prédisent que ces objets extraordinaires pourraient se retrouver piégés dans les détecteurs du LHC et y rester tranquillement pendant des jours.

La collaboration CMS a rapporté de nouveaux résultats sur sa quête de particules lourdes à longue durée de vie, lesquelles pourraient perdre leur énergie cinétique et s’arrêter dans les détecteurs du LHC. Si ces particules vivent plus de quelques dizaines de nanosecondes, leur désintégration devrait être visible pendant les périodes où il n’y a pas de collisions dans le LHC, car elle produirait un flux de matière ordinaire semblant venir de nulle part.

L’équipe de CMS a cherché ces types d’événements hors collision dans les matériaux les plus denses des détecteurs de l’expérience, là où les particules à longue durée de vie sont le plus susceptibles d’être arrêtées, à partir des données sur les collisions de 2015 et 2016. Après avoir scruté les données de plus de 700 heures, l’équipe n’a toutefois rien détecté d’anormal. Ces résultats ont néanmoins permis d’établir les limites les plus strictes à ce jour pour la section élastique et la masse des particules à longue durée de vie issues de la désintégration d’hadrons qui s’arrêteraient dans le détecteur, et également de fixer les premières limites pour les particules à longue durée de vie produites dans des collisions de protons à 13 TeV qui resteraient arrêtées dans le détecteur.

Le Modèle standard, le cadre théorique qui décrit l’ensemble des particules élémentaires, a trouvé sa pièce manquante en 2012, lors de la découverte du boson de Higgs. Mais certains des plus grands mystères de l’Univers restent inexpliqués, par exemple la raison pour laquelle la matière a été créée en plus grande quantité que l’antimatière dans l’Univers primordial, ou la nature exacte de la matière noire. Les particules à longue durée de vie sont parmi les nombreuses espèces exotiques qui pourraient aider à éclaircir ces mystères, et leur découverte constituerait un indice clair de la physique au-delà du Modèle standard. Les désintégrations qu’à cherchées CMS concernaient plus particulièrement des gluinos à longue durée de vie, qui apparaissent dans un modèle appelé « supersymétrie dédoublée », ainsi que des particules exotiques prénommées « MCHAMP ».

Alors que CMS, ATLAS et LHCb progressent rapidement dans la recherche de particules à longue durée de vie dans le LHC, la construction d’un détecteur spécialisé dans la quête de particules lourdes à longue durée de vie a été proposée pour la phase à haute luminosité du LHC. Il pourrait s’agir du détecteur MATHUSLA (Massive Timing Hodoscope for Ultra Stable Neutral Particles), qui serait placé en surface, soit 100 m au-dessus d’ATLAS ou de CMS. Il s’agirait d’une immense « boîte » (200 x 200 x 20 m), qui serait vide mis à part les équipements extrêmement sensibles utilisés pour détecter les particules lourdes à longue durée de vie produites lors des collisions dans le LHC.

Les particules lourdes à longue durée de vie n’interagissant que faiblement avec la matière ordinaire, cela ne leur poserait pas de problème de traverser la roche située entre l’expérience souterraine et MATHUSLA. Le principe est le même que pour les rayons cosmiques interagissant faiblement, qui voyagent à travers l’atmosphère puis à travers la Terre pour atteindre nos détecteurs souterrains, mais le sens est ici inversé. Si elle est construite, cette expérience nous permettra d’examiner nombre d’autres scénarios, et d’avancer dans la quête de la nouvelle physique.