View in

English

Maria et Giuseppe: deux vies tissées sur l’histoire du CERN

Le CERN célébrera cette année son 60e anniversaire. Une physicienne et un physicien italiens se souviennent de presque tout

|

Maria and Giuseppe: Lives intertwined with CERN’s history

Giuseppe et Maria Fidecaro à la cantine du CERN en 2014, 60 ans après leur adhésion à l'organisation (Image: Anna Pantelia / CERN)

Le CERN célébrera cette année son 60e anniversaire. Cela signifie 60 ans de recherche scientifique et de découvertes passionnantes. Une physicienne et un physicien italiens se souviennent de presque tout. En effet, Maria et Giuseppe Fidecaro ont commencé à travailler au CERN en 1956. Fait encore plus surprenant, on les y retrouve encore tous les jours !

Le couple est facile à repérer, même lorsque la cafétéria est bondée le midi : ils sont toujours lancés dans des discussions animées. « Nous nous disputons beaucoup, me confie Maria avec un grand sourire. Nous avons des styles très différents. » « Mais en général, à la fin, nous nous mettons d’accord », précise Giuseppe.

En octobre 1954, Giuseppe part pour l’Université de Liverpool, pour travailler avec leur tout nouveau synchrocyclotron. Maria en fait de même, ayant obtenu une bourse de la Fédération internationale des femmes universitaires. Après leur mariage, en juillet 1955, ils travaillent sur les pions : Giuseppe, avec un détecteur Cherenkov de verre et de plomb, et Maria, avec une chambre à diffusion. À l’été 1956, les deux chercheurs s’installent à Genève, où Maria a obtenu une bourse du CERN. « Il y avait alors seulement 300, peut-être 400 personnes au CERN », se souvient-elle. Près de l’aéroport, un bel hôtel particulier, appelé « La Villa de Cointrin », abritait les bureaux administratifs, tandis que les physicien(ne)s avaient leurs bureaux dans des baraques voisines.

Au CERN, Giuseppe est assigné à la division Synchrocyclotron. C’était le premier accélérateur du Laboratoire et il fut exploité de 1957 à 1990. Giuseppe y monta un groupe et prépara l’équipement expérimental de base. Le synchrocyclotron fut utilisé en 1958 pour une recherche fructueuse sur les désintégrations de pions en électrons et neutrinos. Ce mode de désintégration n’avait jamais été observé, ce qui soulevait bien des questions à l’époque. C’était la première expérience impliquant un accélérateur au CERN. « La nouvelle a fait le tour du monde ! », se réjouit encore Giuseppe. Le synchrocyclotron a depuis été réhabilité et deviendra bientôt une exposition permanente.

Maria, quand à elle, travaille à l’époque sur une nouvelle méthode visant à fournir des faisceaux de protons polarisés. « C’était à peine dix ans après la fin de la guerre, se souvient-elle. Les souvenirs des conflits étaient encore présents. » « Mais il était vraiment facile de travailler les uns avec les autres. Tout le monde s’entendait bien. Nous avions un but commun », ajoute Giuseppe. Bien que les femmes étaient très peu nombreuses quand elle a commencé, Maria se sentait respectée par ses collègues. « Dans mon groupe, j’étais simplement une scientifique parmi d’autres », fait-elle remarquer.

Alors que la plupart de leurs collègues sont depuis longtemps partis à la retraite, les deux chercheurs ont choisi de rester actifs et font toujours de la recherche, mais dans un style différent. Giuseppe s’intéresse à l’histoire de la physique, tandis que Maria est heureuse de revisiter une partie de son travail passé, s’assurant de ne pas avoir oublié de détails importants. « Dans le feu de l’action, avec les faisceaux et tout le reste, on n’avait pas le temps de prendre de recul sur nos recherches, explique-t-elle. C’est un plaisir aujourd’hui de revenir en arrière, d’avoir une vue plus approfondie et de remettre notre travail dans le contexte de l’époque, du CERN et d’ailleurs. »

Tous les deux sont d’accord : chaque moment était bien. « Le meilleur, c’est d’avoir pu prendre part à tout cela pendant 60 ans », confie Maria. Giuseppe ajoute : « C’était super de pouvoir participer en tant que pionniers à autant d’expériences différentes et d’avoir pu partager le travail de tant de personnes intéressantes ».

Et Maria de conclure : « La vie a été gentille avec nous. »